Exposition ''Par dessus tout''

Les modes au fil du temps

L'affiche de l'exposition:

Pourquoi une exposition sur les vêtements du dessus?

Souvent, il est exposé les plus beaux costumes féminins ou masculins sans oser présenter les vêtements du dessus, ceux qui servent à protéger les vêtements du dessous et donc venir les masquer.

Nos couturières et tailleurs ont toutefois apporté une attention particulière à ces vêtements efficaces mais aussi originaux, protection efficace contre le vent, la pluie, le soleil ou la poussière mais aussi création originale par la recherche de coupe, de matière, de coloris et d'ornementation.

Le titre "Par dessus tout" s'est imposé à nous à la lecture de la fable de La Fontaine "Le loup devenu berger" où il est fait mention du hoqueton, sorte de casaque paysanne faite de grosse étoffe, et endossé par le loup pour ressembler à Guillot, le berger.

Guidé par cette fable, nous nous inspirons de la gravure de 1838 de l'illustrateur Jean-Jacques GRANDVILLE (1803-1847) pour réaliser cette affiche de l'exposition de l'été 2016.

Les habits à la Française

L'aspect de ce "par dessus tout" revêt l'apparence de l'habit à la Française et ses dérivés dans la mode traditionnelle bretonne sous la forme des porpants qui sont un bel exemple de l'alliance de la protection et de la parure. Voici trois exemples d'évolution et d'appropriation de cette mode masculine sur un siècle.

    A gauche, une veste d'habit à la Française portée par un aristocrate au milieu du 18ème siècle. En velours noir bouclé et rasé à motifs à disposition de pampres et de grappes de raisins. Poches à rabat, dos et manches en drap de laine de pays.

    A droite, un porpant daté 1855 porté par un riche paysan de la région de Noyal-Pontivy. En drap de laine de pays de couleur brun foncé, brodé de motifs au point de chaînette au fil de laine rouge et safran. (Collection privée)

    Et en dessous, un porpant d'apparat confectionné vraisemblablement à l'occasion de la venue de Napoléon III à Pontivy (Napoléonville) en 1858 pour un riche paysan et notable de cette région. En drap de laine marron richement brodé au fil de laine rouge, safran et vert et rehaussé de velours et de boutons recouverts.

    L'exposition "PAR DESSUS TOUT" composée de 75 pièces est donc dédiée aux vêtements assurant protection ou parure des hommes et des femmes citadins ou paysans.

    Dans notre intention constante de confronter le vêtement breton au vêtement citadin, nous avons recherché les archaïsmes de certaines pièces, les particularismes liés aux métiers exercés, les appropriations ou les similitudes ou encore les influences de la Mode sur les silhouettes et sur les ornementations.

    Pour certains métiers

    De nombreux vêtements de protection étaient spécifiques à certains métiers par leurs fonctionnalités, leurs matières résistantes, leurs coloris, etc.

      Pour la protection des intempéries, il était privilégié les matières feutrées ou les draps aux armures serrées.

      A gauche, une pèlerine d'enfant en drap feutré avec sa capuche. Porté notamment par les écoliers et pensionnaires durant la première moitié du 20ème siècle, il sera également choisi sur ce modèle pour les uniformes des facteurs et des agents de police.

      A droite, un kalaboussen porté par les léonards du Pays Pagan au début du 20ème siècle. Ce capuchon en forme de passe-montagne en drap de laine protégeait ces hommes travaillant en mer et sur les grèves. (Collection privée)

      ar ventel

      Certains vêtements de protection méritent une attention particulière par leur archaïsme et leur étonnante évolution.

        C'est le cas par exemple du lourd mantelet noir, dénommé localement "er ventel", qui était porté en hiver par les femmes du pays paludier. Bleu pour les femmes mariées et vert pour les relevailles, il sera teint en noir et porté par les veuves jusqu'en 1870 lorsqu'elles se rendaient aux cérémonies religieuses.

        Ce type de mantelet tissé en poil de mouton avait été importé d'Irlande ou de Hollande au 17ème siècle pour les bourgeoises du Croisic, puis passé de mode, il avait été adopté par les femmes des marais salants.

        Le mot "ventel" viendrait du mot "mantel", le "m" ayant muté en "v" pour donner "ar ventel". (collection CAP Atlantique, Musée des Marais Salants).

        Les couvre-chefs:

        En Bretagne, les femmes pour le travail pouvaient opter pour le bonnet, le fichu, le mouchoir ou encore pour un couvre-chef appelé capot de travail.

        De même, dans certains terroirs, les bretonnes pouvaient protéger leur coiffe par un capot de pluie.

        Il existait deux types de capots en Bretagne:

          A gauche, sur le modèle des coiffes d'étoffe, la "chibilinenn" portée par les femmes de l'île de Batz en pays léonard vers 1880. En drap de laine noire et lacets de serrage en tresse.

          A droite, sur le modèle des capelines, un capot d'été porté par les femmes de la côte du Penthièvre vers 1900. En lin écru et imprimé, il était agrémenté d'un nœud et d'une bande de tissu tressé sur la passe coulissée à treize arceaux.

            A gauche,voici un capot de travail en coton imprimé porté traditionnellement en été par certaines paysannes dans la région de Lorient-Hennebont au début du 20ème siècle.

            A droite et en comparaison et pour protéger leur tête et leur nuque des actions du soleil, voici un chapeau de jardin en coton avec passe coulissée et bavolet armaturé, porté en été par les citadines au milieu du 19ème siècle.

            Les mantelets

            Comme les couvre-chefs, les mantelets dans la mode citadine ont également bien évolués au fil du temps et certains éléments vestimentaires les composant ont perdu de leur fonction initiale de protection.

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              C'est le cas du mantelet à capuchon qui était porté par les hommes et les femmes dès le 14ème siècle et qui a évolué à la fin du 18ème siècle vers le mantelet à capuce ou "coqueluchon" ici en taffetas de soie et dentelle.

              Celui-ci était porté par les élégantes vers 1785, mais sa capuche, sensée protéger la tête, était d'une profondeur insuffisante pour couvrir les coiffures extravagantes de cette époque.

                Le mantelet sans capuchon (par opposition au fanchon) trouve sa place dans la garde-robe féminine citadine tout au long des 19ème et 20ème siècles.

                Voici à gauche un mantelet pour une jeune femme vers 1898-1900. En fin drap de laine, il était doté d'un col à la Médicis.

                Et à droite, un mantelet du soir vers 1935. En pane de velours noir, il était doté d'un grand col matelassé et froncé dans le goût de SCHIAPARELLI.

                Les mantes et capes

                Dénommés indifféremment mantes ou capes, ils désignent dans le vestiaire féminin citadin et paysan un vêtement du dessus sans manches, avec ou sans capuchon.

                Leur forme n'a pas évolué au 19ème siècle, mais chaque terroir de Bretagne y a apporté au début du 20ème siècle des particularismes qui nous permettent aujourd'hui de les différencier par terroirs.

                  A gauche, une mante portée par les femmes de la région de Dol-de-Bretagne. Sans capuche, elle était en drap de laine noire et agrémentée de parements de velours de soie.

                  A droite, une grande cape portée en hiver par les femmes de la presqu'île de Crozon. En drap de laine noire, sa capuche était matelassée avec un fond plissé.

                  Les manteaux:

                  Les manteaux reviennent à la mode vers 1880 et suivent la nouvelle ligne du corps, d'abord avec la tournure puis avec la ligne sylphide de la Belle Epoque et enfin avec les lignes épurées ds Années Folles.

                    A droite, un manteau d'hiver vers 1888-1889. En velours noir bouclé sur satin noir, son col est haut et les manches sont près du corps, la silhouette suit les courbes de la tournure.

                    A gauche, un manteau d'hiver vers 1922-1925. En lainage noir à motifs vermiculés et parement en satin cuivré, le grand col tombe sur les épaules. Ce style de manteau sera choisi à cette époque par l'ensemble de la population française citadine et rurale.

                    Les paletots et visites:

                    Dans la mode parisienne, chaque époque voit la création de nouveaux modèles de vêtements de protection avec des noms nouveaux, tels que les visites, les paletots, les vestes...

                    En voici quelques exemples dans la seconde moitié du 19ème siècle.

                      A gauche, une visite vers 1875-1876 réalisée dans un ancien châle du Cachemire aux motifs de grands botehs, montée sur un fond bleu roi et frangée.

                      Elle fait face à un long châle rectangulaire européen confectionné vers 1870 avec un décor en bordure de mihrabs arlequinés.

                      A droite, une visite vers 1855 d'une élégante en soirée ou en ville, confectionnée en moire marron avec manches pagode et franges bicolores et galons.

                      Elle fait face à une pèlerine d'une élégante vers 1840-1845 en soie olive, bordée de passementerie et brodée de roses.

                      En dessous, une visite longue pour la promenade vers 1880. En drap de laine bordeaux, perlé et chenillé sur fond or et cuivré.

                      Elle fait face à un paletot ou manteau court vers 1877-1878 en velours bleu-nuit bordé d'un galon de pompons, de chenilles et de rubans.

                      Les plumes et les fourrures:

                      Les plumes puis les fourrures seront à la mode durant toute la Belle Epoque, les Années Folles et la période New-look.

                      D'abord utilisées dans la confection des chapeaux et des manchons, elles habilleront les manteaux et les capes à toute occasion.

                        A gauche, un manteau du soir à coupe asymétrique portée par une élégante vers 1912. Le velours bleu pétrole et noir imite la fourrure de la loutre.

                        A droite, une cape courte pour grande soirée vers 1940 en peau et plumes de grèbe et doublure en satin or. Il s'agit d'un travail exceptionnel d'un fourreur parisien.

                        Les tenues de promenade:

                          A gauche, une fillette vers 1865-1870 portant une pèlerine en laine écrue avec capuche assortie.

                          Derrière elle, une jeune femme vers 1860 en tenue de promenade portant une capote en flanelle noire et en soie écossaise assortie à une robe à marcher accompagnée d'un grand châle à une pointe en dentelle Chantilly au fuseau.

                          A droite, une élégante vers 1888-1899 portant une jaquette en laine bouclée noire façon astrakan, un manchon en velours chamois et pompons en soie.

                          La protection élégante:

                          De l'Empire à nos jours, le vestiaire des femmes de la ville a toujours comporté des vêtements de protection déclinant toutes sortes de formes et de matière.

                            Les modes au fil du temps

                            De gauche à droite:

                            Une redingote d'hiver vers 1805-1808 en soie bleu pétrole surpiquée, à manches mitaines et intérieur ouatiné.

                            Une cape courte façon burnous pour promenade estivale vers 1870, en lainage crème rayé noir et agrémentée d'une fausse capuche.

                            Une visite d'été vers 1872-1874 en soie ivoire garnie de dentelle noire. Sans manches, elle est fermée par des brandebourgs.

                            Un manteau cache-poussière pour déplacements et voyages vers 1898, en bourrette de soie crème et à manches ballonnées.

                            Une capote de jardin de jeune fille vers 1900 en coton à motifs de petits cercles noirs (Collection privée).

                            Conclusion:

                            Il est certain que les 75 pièces exposés ne sont pas représentés dans cet article, mais nous voulions vous donner un bon aperçu de cette exposition.

                            Pour conclure et en guise de coup de chapeau, nous terminerons par un pardessus croisé porté par un jeune élégant anglais vers 1910 (collection Thierry GRASSAT).

                            Les modes au fil du temps

                            Nous sommes certes éloignés du hoqueton de Monsieur Jean de La Fontaine, mais "l'habit faisant le moine", nul ne peut dire que ce "par dessus tout" n'identifie pas son propriétaire.

                            Réjane et Daniel Labbé pour LES MODES AU FIL DU TEMPS