Les jupons, jupes du dessous et cotillons:
Peu d'inventaires en Basse-Bretagne au 18ème siècle ne mentionnent la présence de jupons, ceux du 19ème siècle parlent plutôt de jupes de dessous.
Entre 1792 et 1801, dans le Finistère et après 9 inventaires étudiés par Madame SCLIPPA, on trouve deux fois la mention de jupons, à savoir : "deux indiennes, une étoffe et deux jupons bleus".
Sur vingt inventaires consultés dans le Vannetais entre 1884 et 1892, nous avons noté 14 mentions de robes, aucune de jupes et 10 mentions de jupons.
A noter l'absence totale d'informations sur la présence ou non de sous-vêtements de type pantalon, culotte fermée ou culotte fendue.
(Ci dessus le détail d'une photographie d'une paysanne à Quiberon vers 1900, dont le jupon rayé s'aperçoit sous sa jupe retroussée volontairement pour pouvoir danser).Pièces conservées aux ATP:
Le jupon de la femme de Pont l'Abbé daté de 1880 et conservé au musée des ATP a une hauteur de 90 cm et dispose au bas d'un volant de drap rouge et un autre de drap jaune, soulignés d'un point de chausson.
Sur ce jupon était portée une jupe haute de 95 cm et comportant au bas un volant de soie jaune, un autre de serge rouge et un dernier de serge or, soulignés de point de chausson.
A noter, que le corsage comportait trois bordures de soierie (jaune, rouge et jaune) autour des devants et de l'encolure et trois revers aux manches de mêmes soieries et de mêmes couleurs.
(Ci-contre un croquis de F.H. LALAISSSE en 1843 représentant deux bigoudènes dont l'habit et les sous-vêtements correspondaient déjà à la description ci-dessus)Iconographies des jupons en Bretagne au 19ème siècle:
La jeune femme de Pont l'Abbé, dessinée sur la gauche par François Valentin vers 1795 pour illustrer l'ouvrage « Voyage dans le Finistère » de Jacques Cambry, portait un jupon de couleur claire qui dépassait d'environ 4 à 5 cm de la robe arrivant aux chevilles.
Ce dessin en noir et blanc ne nous permet pas d'appréhender les coloris de ce jupon.
Toutefois, ce dessin sera repris dans les gravures de « La Galerie Bretonne » éditée par Charpentier de Nantes entre 1829 et 1831.
Le jupon y est de couleur rouge, comme le revers des manches ou de l'encolure.
La gravure de Zoé Coste éditée vers 1850 nous montre un costume de cérémonie de femmes du pays paludier confirmant la présence de multiples jupons..
La gravure d'après un dessin de Peytavin et éditée vers 1835 par Charpentier de Nantes représente des femmes de Belle-Isle-en-Mer.
Celle de gauche relève élégamment un pan latéral de sa robe à la mode Empire et dévoile ainsi un jupon de lingerie blanche dont seule la partie arrière est froncée.
Ci-dessous trois documents
La peinture d'un artiste anonyme représente une femme de Ploaré vers 1828. Elle porte, sous sa longue et lourde jupe rouge, un jupon de toile grise dépassant d'environ 4 à 5cm et peut-être bordé d'un galon noir ou d'un liseré de fabrique.
Toujours dans la série des gravures éditées vers 1835 par Charpentier de Nantes, nous avons retenu cette femme de Ploaré (et non pas de Plouha). Elle porte un jupon de toile grise dépassant d'environ 4cm et bordé semble-t-il d'un fin galon noir.
La gravure du peintre Louis Caradec de Brest nous représente également vers 1840 une femme de Ploaré (et non pas Plouaré) qui porte également un jupon très froncé et de couleur bleue et qui dépasse largement de la jupe.
Les croquis de F.H. LALAISSE de 1843-1844, dessinés à Pont-Aven, Concarneau ou Bannalec nous montrent également des femmes laissant apparaître le bas de leur jupon de couleur rouge.
Les détails de ces croquis donnent de bons résultats pour l'étude de chaque costume. Les annotations du peintre sont nombreuses pour préciser le nombre et à la qualité des jupons et les matières utilisés.
Par exemple le croquis 52.76.1.66 des environs de Quimper porte l'information : « 4 jupons avec du galon lamé d'argent et d'or ».
Le croquis 52.76.1.63 de Pont l'Abbé porte l'information « jupon de dessous » et « jupon de toile plissé à la Grec » et « le jupon est plissé comme celui de toile ».
Les croquis 52.76.1.60 de Kerfeunten et 52.76.1.57 de Bannalec portent l'information « jupon »
et les croquis 52.76.1.52 de Pont-Aven et Concarneau portent la mention « jupon rouge ».
En conclusion,
Les paysannes bretonnes portaient primitivement un ou plusieurs jupons de lourde toile ou de laine épaisse qui leur donnaient un aspect majestueux et légèrement pyramidal.
Elles adoptèrent ensuite des jupons plus légers dont elles faisaient ressortir les dentelles comme les « demoiselles » de Lorient et de Vannes.
L'industrialisation de la 1ère moitié du 20ème siècle, l'amélioration du train de vie de la classe ouvrière et paysanne, la tradition urbaine et rurale de la confection du trousseau, les nombreux évènements festifs et religieux (noces, pardons, etc) entraîneront l'achat par les femmes aisées de la ville et certaines femmes riches de la campagne de ce type de sous-vêtements sur les marchés, dans les boutiques du bourg puis par correspondance.